Au temps de la préhistoire
Offerte aux chasseurs, voici quelque 120.000 ans, la steppe rase qui couvre le site des Hautes-Bruyères s'élève alors à 70 mètres au-dessus du niveau actuel de la Seine et de la Bièvre, dans une région noyée sous les eaux, dont les Bruyères ne sont qu'un promontoire entre les deux rivières et les marécages.
Lorsque les eaux se retirent, au cours des millénaires suivants, la chasse continue de trouver dans ces régions un terrain propice. Cependant, avec l'arrivée des populations agricoles du néolithiques, il y a 6000 ans environ, une véritable révolution s'accomplit. La Seine et la Bièvre ont alors atteint leur cours actuel. La chasse dispose de petits gibiers insuffisants pour nourrir une population plus dense : l'agriculture y pourvoit.
C'est la naissance des premiers villages, dont celui des Hautes-Bruyères. On y cultive des blés venus d'Orient et des orges ; on élève des boeufs, des chèvres, des moutons. Grâce à la céramique, des ustensiles apportent les premiers éléments de confort. Quant aux outils, la pierre, d'abord taillée, puis polie, cède sa place devant le bronze.
La station des Hautes-Bruyères a fourni de nombreux témoignages de ces divers matériaux et des formes diverses de vie dont ils sont la preuve : des silex taillés, des céramiques, des objets de parures, des petites lames de bronze, une importante quantité d’ossements de mammifères, des ossements humains du néolithique (un crâne et un squelette très endommagé) sont mis à jour en 1896-1897. André Lavigne et Henri Mansuy découvrent aussi dans une deuxième carrière dite "Sévin", au sommet du plateau, à 300 mètres de la redoute des Hautes-Bruyères, deux squelettes incomplets accompagnés de silex et d’ossements néolithiques de blaireau.
La station préhistorique des Hautes-Bruyères s'est révélée, au cours des années d'une exceptionnelle richesse, à la suite des recherches de François Bordes, Georges Bailloud puis Philippe Andrieux. Ces recherches font aujourd'hui l'objet de campagnes rationnelles dont les enseignements sont tirés scientifiquement.
Le Moyen Âge
C'est encore au travail des archéologues que l'on doit de mieux connaître le Villejuif de l'époque gallo-romaine et du haut Moyen Âge : les trouvailles faites sur les sites de la rue du Colonel-Marchand et de la rue Georges-Le-Bigot jettent quelques indices sur une période de mille ans environ pour laquelle les historiens ne pouvaient émettre que des conjectures, les plus plausibles envisageant l'établissement d'une "villa" à Monsivry (point de départ de ce qui fut la seigneurie de Monsivry), et d'une autre "villa" sur le plateau, point de départ du village et de la seigneurie de Villejuif.
Aux alentours de l'An Mil
Des chartes mentionnent Villejuif et le Colombier. On y apprend que la paroisse fut fondée vers la fin de l'époque carolingienne (Xe siècle). Le roi Robert le Pieux y donna des terres au chapitre de Saint-Pierre de Jumièges.
Pendant les trois siècles qui suivent de nombreux ordres religieux s'installèrent sur le territoire de Villejuif ; certains continueront d'y avoir des intérêts jusqu'à la Révolution (tels le chapitre de Notre-Dame, le chapitre de Saint-Marcel, les Célestins...).
Les serfs travaillent les terres : vignes sur les pentes exposées à l'est (Monsivry, les Malassis, le Lion d'Or...), ou champs de céréales sur le plateau et les hauteurs.
Vers 1250
Les mesures d'affranchissement des serfs vont renforcer la communauté des villageois.
Au cours du XIIIe siècle la paroisse commence la construction d'une église en pierre, dédiée à deux saints : Saint-Cyr et Sainte-Julitte, dont il reste quelques éléments dans la partie nord de l'église actuelle.
XIVe siècle : la percée des bourgeois parisiens
La terre de Villejuif se révèle un excellent placement. Les marchands de Paris y achètent de nombreuses parcelles qu'ils louent aux villageois. Les gens de robe constituent des domaines. C'est parmi eux que le roi va désigner les seigneurs de Villejuif.
La terre de Monsivry relève, elle, d'un autre seigneur, ecclésiastique celui-ci : le chapitre des chanoines de Notre-Dame de Paris.
XVe siècle : mise en place des structures définitives du village
Passés les tumultes et les atrocités de la guerre de Cent Ans (1337-1453), la communauté se développe. Cependant, trois groupes de propriétaires terriens (les ordres religieux, les nobles de robe et les bourgeois parisiens) laissent peu de terre aux villageois. Ceux-ci constituent une communauté de 60 feux (environ 300 à 400 habitants). Ils vivent pour la plupart dans des chaumières, occupant l'actuelle rue Georges-Le-Bigot et les parties des rues René-Hamon et Jean-Jaurès, proches du centre.
La justice féodale est exercée par un certain nombre de propriétaires qui possèdent des fiefs laïques ou religieux, certains portant le titre de seigneur de Villejuif : Pierre Lorfeuvre est le premier cité dans les textes (1437).
L'époque moderne
Le XVIe siècle
Villejuif connaît, comme l'ensemble de la région parisienne, une période de paix et, dans une certaine mesure, de prospérité. Le village se développe. La communauté est suffisamment solide et sûre de ses revenus pour commander la reconstruction de l'église, vers la fin du XVe siècle, en pierre de taille et en moellons. La prospérité semble se traduire en particulier par l'emploi de la pierre. On bâtit. D'où l'extension de Villejuif le long de la Route Royale qui fait l'objet d'un entretien particulier.
On note que la population n'est plus composée exclusivement de paysans, mais que des artisans y sont installés (boulangers et bouchers qui fournissent la Capitale, tailleurs d'habits...).
Le XVIIe siècle
Les structures foncières évoluent. Les ordres religieux anciennement installés, ruinés par des siècles de guerre (et par l'obligation de charité qui était leur raison d'être) ont vendu l'essentiel de leur patrimoine. Mais un séminaire de Paris, Saint-Nicolas du Chardonnet, implante à Villejuif sa maison de repos, jouxtant l'église. La demeure, transformée et agrandie au XVIIIe siècle, deviendra la mairie en 1845. Autour de cette maison et de la ferme attenante va se constituer un domaine très étendu, comprenant jusqu'à la moitié des terres du village.
Parallèlement les seigneurs de Villejuif étendent leur emprise foncière ; ils disposent, dans le bourg, d'une maison seigneuriale rue du Colonel-Marchand.
Les paysans pauvres, les plus nombreux, exclus de la propriété de la terre, ne peuvent avoir recours à l'élevage, interdit par les contrats de location. Le système est tel que les petites cultures vivrières ne sont admises que de façon très précaire. Les disettes sont cruellement ressenties.
Impôts et taxes s'abattent sur les habitants : taxes sur la commercialisation du vin en particulier, droits seigneuriaux aussi.
Mais l'esprit n'est pas toujours à la résignation. Ainsi, sous Louis XIII, c'est une véritable émeute qui se produit à la porte Saint-Marcel : les vignerons de Villejuif et des paroisses avoisinantes forcent les portes pour faire entrer leur vin dans la Capitale, sans versement des droits. Plus tard, vers 1660, c'est contre les prétentions du seigneur de Monsivry que s'élèvent les habitants qui ont vu leurs récoltes saisies.
La première moitié du siècle est assez calamiteuse : les guerres intestines ont ravagé la région parisienne durant la Fronde (1648-1652) et Villejuif en a particulièrement souffert en 1649. Cela, après une longue période de marasme économique qui durait depuis la fin des guerres de religion. La deuxième moitié du siècle voit un redressement : Villejuif atteint 270 feux. C'est plus qu'un gros village, un véritable bourg comprenant un grand nombre de commerçants grâce à la proximité de la Capitale et à la Route Royale qui traverse Villejuif.
Le XVIIIe siècle
Avec des structures foncières bloquées, la situation des villageois ne s'améliorent guère au cours du XVIIIe siècle entraînant une paupérisation accentuée des paysans pauvres et une aisance accrue des marchands-laboureurs et des fermiers. Les carrières de plâtre et les sablières constituent une nouvelle activité économique dans Villejuif et assoient la fortune de quelques marchands-laboureurs. De plus, Villejuif connaît une augmentation de population non rurale due à la proximité de la Capitale.
La seigneurie passe de main en main : le dernier des Duret la vend à Jacques Molin, chirurgien du roi, lequel la transmettra à Etienne de Serre de Saint-Roman, son parent. Les Saint-Roman seront les derniers seigneurs de Villejuif mais leur domaine, restauré après la Révolution, constituera la plus grosse propriété de la commune jusqu'au début du XXe siècle.
La forme du village n'évolue guère au long du siècle : le parc du château au nord et les jardins de Saint-Nicolas du Chardonnet au sud bloquent une possible urbanisation par la ruelle Baron et la ruelle aux Prêtres qui débouchent rue du Moutier en un espace appelé la Place de l'Ours. Des maisons de rapport s'élèvent dans la Grande rue.
En 1787, Villejuif est érigée en municipalité. En avril 1789, la communauté rédige le cahier de doléances pour l'essentiel consacré aux dommages que fait subir le gibier dans les récoltes et, plus généralement, à l'injustice et à l'insécurité que fait régner l'institution de la Capitainerie des chasses.
En février 1790, la municipalité révolutionnaire se donne comme maire Nicolas Radot, ancien fermier, ancien marchand-plâtrier. Le pouvoir municipal sera, tout au long de la Révolution, entre les mains de la petite bourgeoisie locale.
Les structures foncières éclatent : les biens de l'église vendus aux enchères, sont rachetés par des spéculateurs et passent, dans une certaine mesure, dans les mains des petits propriétaires de la localité.
Le XIXe siècle
La Révolution léguait à l'Empire 1109 habitants. Entre les 216 feux (environ 1080 habitants) du dénombrement de 1709 et le recensement de 1801, la population était restée d'une stabilité remarquable.
Le XIXe siècle lui permettra pratiquement de quintupler : 5234 habitants en 1896. Mais le mouvement ne sera pas régulièrement ascendant, le milieu du siècle connaissant une baisse substantielle, à cause surtout des circonstances économiques.
En même temps que la population augmente, le bourg s'étend jusqu'à l'apparition des premiers lotissements : c'est alors le prélude de la fin de l'activité rurale. La Grande rue pousse ses maisons tant vers le nord (vers l'extrémité du plateau) que vers le sud où se créera, au milieu du siècle, le mail des Marronniers qui recevra au début du XXe siècle le terminus du tramway.
Après la guerre de 1870-1871 et les combats de la Commune au cours desquels Villejuif sera gravement endommagée, l'expansion connaîtra deux formes nouvelles : sur le plateau, la création de l'asile d'aliénés, dans les années 1880, à Saccaty, sur la route de l'Haÿ, viendra bouleverser les données sociales de la commune ; et dans le bas Villejuif, au nord, un quartier nouveau voit le jour, dominé par les briqueteries et les lotissements créés sur le domaine de Gournay et les terres proches de l'avenue de Paris, et sur les Sorrières.
La fin du Villejuif rural et l'entrée dans la modernité
Avec la IIIe République, la vie municipale entre dans la voie démocratique, le maire étant élu et non plus désigné dès 1883 : le Docteur Hyacinthe-Emmanuel Reulos, maire, assurera le passage de Villejuif du XIXe siècle au XXe siècle.
Certes l'activité économique dominante demeure l'agriculture, mais elle est en forte régression avec la multiplication des lotissements. Ainsi, avant la Grande Guerre, le centre-ville verra l'urbanisation du très vaste parc des Saint-Roman dans lequel seront percées quatre rues nouvelles dont l'avenue des Saint-Roman qui joint la place de la mairie à l'avenue des écoles, devant l'entrée principale du nouvel hôpital Paul-Brousse, inauguré en 1914, et construit lui aussi, pour l'essentiel, sur les restes de domaine agricole des Saint-Roman, aux Barmonts.
La part des ouvriers et des employés dans la population ne cesse de croître. Les provinciaux, Bretons surtout, et Auvergnats, prennent le relais des vieilles familles. Cette mutation va engendrer, au sein même de la commune, des conflits d'intérêts qui ne feront que s'exacerber une fois la paix revenue, en 1918.
La lutte des classes donnera lieu à un changement radical de la majorité municipale, avec l'accession du Bloc Ouvrier-Paysan à la mairie, en la personne de Xavier Guillemin, en 1925, et de son successeur, en 1926, Gaston Cantini.
L'équipement urbain connaît alors une extension rapide sous l'impulsion de Paul Vaillant-Couturier, maire de 1929 à 1937 : écoles de la rue Pasteur, bains-douches municipaux de la rue Jean-Jaurès, dispensaire de l'avenue de Paris et l'école Karl-Marx, construite par André Lurçat dans un quartier non urbanisé au sud de Villejuif. N'oublions pas l'ouverture de la colonie des Bernardoux, en Dordogne, qui va marquer profondément des générations de jeunes Villejuifois.
Entre les deux guerres, les lotissements ouvriers, quant à eux, auront conquis la commune.
Puis vient la seconde guerre mondiale ou bon nombre de Villejuifois, entrés en résistance, paieront de leur vie cet engagement.
Au retour de la paix, Louis Dolly prend en charge la mairie et ce jusqu'en 1977. Il continuera la politique d'expansion urbaine de ses prédécesseurs, rendue urgente par la présence de milliers de mal-logés à Villejuif : création de l'Office d'HLM en 1956 et, dans les années soixante, urbanisation de l'immense quartier des Lozaits qui couvre la plus grande partie sud de Villejuif. S'ajoute à cela la rénovation du centre-ville, avec la résorption de l'îlot insalubre de la rue du Moutier et de la rue Jean-Jaurès. Le centre-ville y gagne un théâtre spacieux, un marché couvert et la commune compte bientôt cinq parcs et jardins publics.
La population s'accroît rapidement pour atteindre les 50.000 habitants en 1970.
Il n'y a plus dès lors de vie rurale à Villejuif. Cependant, l'industrialisation ne suit guère et, l'essentiel de l'emploi en dehors des administrations est fourni par les hôpitaux.
Dès le début des années quatre-vingt, le chantier du métro est lancé, et ce sont trois stations qui jalonnent la traversée de Villejuif du nord au sud, transformant ainsi la vie quotidienne des Villejuifois.
Avec Pierre-Yves Cosnier, qui succède à Louis Dolly, les derniers espaces encore peu occupés s'urbanisent : la rénovation du centre s'achève, une zone d'activités est créée à l'Epi d'Or, un nouveau quartier voit le jour près de la redoute des Hautes-Bruyères, les Monts-Gêts s'organisent en quartier autour de l'espace Congrès, tandis que dans le bas Villejuif, les Sorrières et les Petits Jardins se préparent à faire un saut qualitatif avec la créations des zones d'aménagement concerté Pasteur et Bizet.
Banlieue proche de Paris, Villejuif a été « protégé », au long de son histoire, par la lenteur et la difficulté des communications. Il n'en est plus de même aujourd'hui. Villejuif évolue, se transforme pour répondre aux aspirations des habitants. Embellir la ville, la doter d'équipements, transformer les quartiers, développer les services de proximité sont autant de volontés qui se concrétisent au travers de projets nécessaires à la vie économique et sociale en ce début de XXIe siècle.
En témoignent les projets de requalification de la Route Nationale 7 et le prolongement de la ligne 7 du métro avec la mise en place d'une ligne de tramway de Villejuif à Juvisy-sur-Orge.